Le compte de taxes du Centre Bell est à lui seul de beaucoup supérieur au loyer total que Quebecor Media payera pour le nouveau Colisée à Québec.
PHOTO: ARMAND TROTTIER, ARCHIVES LA PRESSE
Gaétan Frigon L’auteur est président exécutif de Publipage inc. |
Pour les besoins de cet article, j’invente de toutes pièces un scénario pour le moins fantaisiste. Supposons qu’il y a à Montréal un commerce très populaire qui fait l’envie du monde entier. À Québec, on rêve d’avoir un commerce semblable mais personne n’a financièrement les reins assez solides pour aller de l’avant avec un tel projet. C’est alors que la Ville de Québec et le gouvernement du Québec arrivent avec leur solution?: Pas de problème. On va vous le construire, votre commerce, et, par la suite, on va le louer à un prix dérisoire à un gestionnaire qualifié. De plus, non seulement ledit gestionnaire ne payera pas d’impôt foncier, mais on va voter une loi spéciale qui empêchera quiconque de contester légalement ce qu’on est en train de faire.
Ridicule, me direz-vous? C’est pourtant ce qui est en train de se passer dans le dossier du nouvel amphithéâtre de Québec. La famille Molson, avec d’autres partenaires, a payé environ 525 millions de dollars pour acheter à la fois le Centre Bell et le Club de hockey Canadien. Aucune subvention, de quelque nature que ce soit, de la part des gouvernements municipal et provincial. Plus encore, entre 2004 et 2009, les anciens propriétaires ont payé au-delà de 46 millions en impôt foncier pour le Centre Bell, soit près de 9 millions par année. Et la Ville de Montréal veut les augmenter sensiblement, ce qui arrivera si le Centre Bell perd sa contestation devant le Tribunal administratif. En fait, le compte de taxes du Centre Bell est à lui seul de beaucoup supérieur au loyer total que Quebecor Media payera selon son entente avec la Ville de Québec. Le maire Labeaume a fait plusieurs comparaisons pour justifier son entente, mais il n’a jamais parlé du Centre Bell qui, pourtant, représente la seule comparaison valable puisqu’il s’agit du même marché et des mêmes payeurs de taxes.
Depuis le début de cette saga, il y a des signes évidents d’un malaise dans la population, malaise que les partis politiques essaient de camoufler en le balayant sous le tapis. Les deux principaux partis ne pensent qu’aux circonscriptions de la région de Québec qu’ils pourraient gagner aux prochaines élections grâce au nouvel amphithéâtre. Je n’aurais jamais pensé qu’un jour je serais d’accord avec un député libéral qui a dit dans un courriel «qu’on a baissé nos culottes et que maintenant on desserre les fesses», d’accord avec trois députés péquistes qui démissionnent devant une telle bêtise, d’accord avec un député indépendant qui ose poser les vraies questions et, finalement, d’accord avec le seul député de Québec solidaire qui se demande d’où vient l’empressement à voter une loi privée qui brimera les droits fondamentaux de citoyens qui pourraient vouloir la contester.
Cependant, tout cela étant dit, je lève mon chapeau à Pierre Karl Péladeau qui vient encore une fois de démontrer sa capacité infinie à gagner toutes ses batailles, même si certaines sont aux frais des contribuables. Il finira fort probablement par avoir un club de hockey de la LNH à un prix et à des conditions globales qui feront l’envie de tous les autres propriétaires, étant donné que le nom de son entreprise sera sur l’édifice et que ses médias écrits et électroniques en retireront des avantages énormes grâce à la convergence.